Réjean Ducharme


LE CAS DUCHARME

D’un côté, une œuvre iconoclaste. Dérangeante, exigeante, désespérément vivante. Une écriture du désastre, portée par une soif d’absolu. Pleine d’ironie, de violence, de révolte. Et d’exubérance verbale. De l’autre, l’auteur le plus secret du Québec. Un  écrivain fantôme. Qui refuse de se faire voir,   de prendre la parole sur la place publique. Et qui donne lieu à toutes sortes de rumeurs, de légendes. D’un côté, Réjean Ducharme le romancier, mais aussi le scénariste, l’artiste visuel. De l’autre, Réjean Ducharme en chair et en os.

DUCHARME LE ROMANCIER

La petite Bérénice Einberg, que tout avale, demeure l’héroïne phare de l’œuvre de Ducharme. Et L’Avalée des avalés demeure le roman culte de l’auteur. Qui a publié ensuite, en rafale, Le nez qui voque, L’Océantume, La Fille de Christophe Colomb. Des romans où l’on retrouve de jeunes héros et héroïnes qui refusent le monde adulte, le monde tel qu’il est.

Puis vient, en 1973, L’Hiver de force. Qui met en scène deux bohèmes du Plateau dans la vingtaine. Ils gagnent misérablement leur vie comme correcteurs d’épreuves, se déclarent « déserteurs sociaux », ont tourné le dos à la société de consommation.

Son sixième roman, Les Enfantômes, paraît en 1976. Le narrateur y fait le bilan, dans une langue déformée, régressive, de ses échecs amoureux. Ce qui explique sans doute le titre initial de l’ouvrage : Le cœur qui n’y était plus.

Il faudra attendre quatorze ans avant de lire un nouveau roman de Ducharme. Les lecteurs de Dévadé ne seront pas dépaysés : même malmenage du langage, même déprime que dans les livres précédents. Et même marginalité du héros, décrit comme un « déficient social crasse, ivrogne impénitent ». Surnommé Bottom, il touche le fond, littéralement.

Suivra en 1994 Va savoir, un chef d’œuvre, selon le critique du Devoir de l’époque, Robert Lévesque. En 1999, Gros mots sera le dernier roman de Ducharme paru à ce jour.